30/10/11

Diplomatie de connivence et ordre international

par Alain Gresh
Il n’est pas facile de déchiffrer l’ordre international qui se met en place depuis la chute du camp socialiste et la fin de la guerre froide, même si un « directoire du monde », représenté par le G8, tente de s’affirmer. On sait en revanche qu’il reste profondément injuste, comme le remarque Bertrand Badie, enseignant-chercheur au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) : « Une différence majeure, écrit le politologue dans son dernier ouvrage (1), nous sépare du temps des concerts européens fondateurs : au XIXe siècle, cinq Etat prédominants en excluaient une dizaine ; aujourd’hui, 8 en
excluent 184, tandis que le G20 en exclut encore 172 ! » Et cette exclusion est, selon lui, « doublement fautive, car, objectivement, elle diminue les chances de régulation, subjectivement, elle sème la frustration, l’humiliation, le ressentiment et donc la violence ».
La « noblesse occidentale » s’accroche à ses privilèges. Elle les justifie désormais non plus au nom de la lutte contre le communisme, mais d’une synthèse de références chrétiennes, de paternalisme et de messianisme, de prétention à l’universalité et à l’incarnation des idées de liberté, de démocratie et d’Etat de droit. Sous ce manteau « culturel », « purement imaginaire, l’Occident décrit un espace qui n’a aucune signification objective, géographique, historique ou sociologique ». Et il s’incarne dans un pacte militaire, au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), qui « devient un instrument de conversion de l’idée de “Nord” en celle d’“Occident” ».
Cet ordre est désormais fortement contesté, d’abord par le « basculement de la richesse » qui porte un coup à l’oligarchie fondatrice. Les puissances émergentes, de la Chine au Brésil, constituent, selon l’auteur, « une alternative à l’ancien directoire, non seulement dans la forme, mais aussi dans son jeu. Avec des ressources propres, des valeurs inédites, des positionnements renouvelés sur l’échiquier international, [elles peuvent] aller au-delà de la simple transformation et proposer autre chose, comme dans une nouvelle revanche de la mondialisation ». D’où les tentatives du G8 de les faire taire en les intégrant au G20.
Paradoxalement, une des conséquences de la constitution du G8 et d’un directoire du monde, comme le note Badie, a été la création, en contrepoint, d’une « société civile » internationale devenue un facteur actif sur la scène mondiale. C’est ce nouvel acteur qui intéresse Gustave Massiah dans son livre Une stratégie altermondialiste (2). Membre fondateur de ce mouvement altermondialiste, l’auteur en retrace l’histoire, avec ses succès rapides mais aussi ses échecs. Il explique également les débats qui le traversent — sur la violence, sur le pouvoir, sur la place de l’Etat —, d’autant plus compliqués que les interlocuteurs sont nombreux, et que, contrairement au club oligarchique, le mouvement ne souhaite laisser personne de côté. Il se veut une solution de rechange au néolibéralisme et, au-delà, au capitalisme, car « il oppose à la logique dominante la proposition d’organiser les sociétés et le monde, à partir de l’accès pour tous aux droits fondamentaux ».
Pour Massiah, trois issues sont possibles à la crise actuelle : une issue néoconservatrice, la guerre ; une refondation du capitalisme, celle du « Green New Deal », qui met en cause le néolibéralisme ; un dépassement du capitalisme. Articuler des alliances entre les forces qui soutiennent la deuxième issue et celles qui défendent la troisième, dans laquelle Massiah se reconnaît, n’est pas la moindre des difficultés.
Alors que la possibilité d’un ordre international se heurte, selon Badie, à nombre d’obstacles, Massiah cherche à définir un horizon à la fois utopique et concret qui permettrait d’« équilibrer les échanges mondialisés et les cadres interétatiques ».
Alain Gresh
(1) Bertrand Badie, La Diplomatie de connivence, La Découverte, Paris, 2011, 273 pages, 19 euros.

(2) Gustave Massiah, Une stratégie altermondialiste, La Découverte, 2011, 323 pages, 18,50 euros.

Πηγή: Le Monde Diplomatique

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