«Mais qui êtes-vous donc, arrogant Monsieur Bagis?»

par Vilma Kouyoumdjian

Il ne se passe pas un jour sans que le négociateur en chef de la Turquie auprès de l’Union Européenne, M. Egemen Bagis ne lance un défi à droite et à gauche, à tort et à travers. Il est très en vogue dans son pays mais pas seulement dans son pays, il fait des déclarations de presse en Europe, donne des interviews pour les médias européens, intervient dans la vie politique de l’UE...

Il donne tantôt des leçons à l’Union Européenne en montrant son pays en exemple, tantôt propose de venir à la rescousse de l’UE en lui conseillant de « supprimer les visas qui s’appliquent aux citoyens turcs de manière injuste pour laisser les Turcs voyager librement dans les pays de l’Union et dépenser de l’argent en tant que touristes ». Les dizaines de milliers de citoyens de Turquie qui viennent demander l’asile aux portes de l’Europe seraient tout au plus, selon M. Bagis, des touristes.

Les fourberies de M. Bagis n’ont pas de limites : « les chiffres des dernières années montreraient qu’à présent les Européens qui s’installent en Turquie seraient plus nombreux que l’inverse » ! A moins que l’on nous cache le nombre des Français d’origine corse ou basque qui vont se réfugier en Turquie !

Ce Monsieur excelle surtout dans l’art de l’arrogance, il défie l’Arménie, la France, la Suisse - « selon les informations en ma possession, ça n’aurait aucun sens de qualifier les événements de 1915 de génocide » affirme-t-il - et il se bat et débat pour apporter la liberté d’expression dans l’Union Européenne ! Fervent défenseur de cette liberté en dehors des frontières de son pays, on ne l’entend pourtant pas prendre la défense des droits des journalistes et des éditeurs et de l’ensemble des citoyens en Turquie.

Ex-président des Associations Turques des Etats-Unis dont la mission principale est le déni du Génocide, et actuel négociateur auprès de l’UE où il a la charge de duper les pays membres, il faut reconnaître que la tâche de M. Bagis n’est pas du tout facile à relever avec autant de challenges à lancer à l’encontre de la vérité !

Il n’est pas simple de défendre l’indéfendable ! Ce porte-parole ne sait où donner de la tête avec tous les défis qu’il a pour mission de lancer. Dites, M. Bagis, comment arrivez vous à concilier vos mille et un défis et votre métier de négociateur en baratinant autant de contre-vérités ?

Homme des défis et des convictions, vous êtes devenu, Monsieur Bagis, une source d’inspiration par tout ce que vous dégagez !

Les lignes qui suivent, tirées de la chronique de Yildirim Türker intitulée « Veuillez m’excuser, M. Egemen »* serviront à donner une idée plus complète sur le personnage :

« Egemen Bagis représente la marque de l’AKP, l’âme de notre période, un politicien effronté, débordant de fierté. Ambitieux, audacieux, ayant reçu une bonne formation, ce genre de types qu’on appelle « les Tigres d’Anatolie **. Vous comprendrez qu’il sait être courtois comme il peut être grossier. Et il ne sait rien faire d’autre !

Il est interprète de métier. Il est l’une des fenêtres de notre Premier Ministre qui s’ouvre vers l’extérieur. Et c’est bien cela qui est préoccupant pour la perception du monde que peut avoir notre Premier Ministre. M. Egemen Bagis fut à une époque le Président des Associations Turques aux Etats-Unis. Même si je ne peux concevoir concrètement de quoi il s’agit, j’ai déjà vu sur les écrans de télé les personnages qui amusaient certains jours, avec leurs drapeaux rouges dans les mains, les rues de New York et de Washington. C’est un rôle qui lui va très bien.

Cette sorte de nonchalance américaine mêlée à la vulgarité de l’ignorance, à l’agressivité de l’humilié ; l’air d’un jeune étudiant grossier et ardent à la recherche de la performance ou alors, si c’est un adulte, cette manière de courir derrière la performance qui lasse tout le monde. Ce n’est pas de l’ambition mais de la rage. Ce n’est pas de la conviction mais de la ruse. En réalité aucun de ces traits de caractère ne lui sied à ce Monsieur puisque chacun d’entre eux est déplacé, loin d’être convaincant. Mais crû par-dessus tout. Aussi crû que les œufs qu’il a reçus sur le visage***.

De plus, ses traits sont aussi nets et grossiers qu’un personnage de caricature. C’est pourquoi en le regardant je me dis qu’on ne trouverait pas la sérénité dans ce pays sans que l’on sache comment ni dans quelles circonstances et dans quel but ces gens-là ont été élevés aux postes qu’ils occupent. Depuis qu’il a été promu du poste d’interprète personnel du premier Ministre au poste d’interprète officiel de la République Turque, ses insolences n’ont plus de limites. Comme tous ceux de son espèce, il n’est pas conscient de sa catégorie. Il n’a pas encore su digérer sa place ni son poste. Il se présente devant le monde entier avec son humour écœurant et sinon, avec une agressivité.

Et puis, il est d’une roublardise sans pareille ! Exécuter mille et une manigances devant les Européens... Et quand on n’arrive pas à les endormir, s’enflammer.... .

Avec ses implants capillaires qui lui donnent un air complètement hébété, des gestes, un comportement et des gaffes qui le caractérisent, quelle sorte de négociation peut-on faire avec cet inestimable négociateur en chef du gouvernement ? ».

Vilma Kouyoumdjian

* « Bagislayin Egemen Bey » in Radikal, 19/12/2011.

** « Les Tigres d’Anatolie - Anadolu Kaplanlari » c’est l’appellation donnée à la nouvelle classe émergente originaire de l’Anatolie soutenant l’AKP, c-à-d le capitalisme provincial qui vient remplacer la bourgeoisie kémaliste des villes.

** *Des étudiants de l’Université d’Egée à Izmir lui avaient lancé des œufs en décembre dernier.

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