21/1/12

L’opération mani pulite d’Erdogan

"Pendant des années, divers faits se sont produits dans ce pays, au détriment des minorités ethniques qui y vivaient. Elles ont été nettoyées ethniquement, parce qu’elles possédaient une identité culturelle ethnique différente. Le temps est venu pour nous de réfléchir sur la cause de ce fait et sur les leçons que nous pouvons tirer de tout ceci. Il n’y a pas eu d’analyse de ces faits, jusqu’à ce jour. 
En réalité, ce comportement est le résultat d’une conception fasciste. Nous avons également fait cette grave erreur."
Recep Tayyip Erdogan
Scène du pogrom anti-grec de 1955 à Istanbul

Une conception fasciste.
Ces propos, qui auraient valu une balle dans le dos à n’importe quel représentant des minorités arméniennes ou grecques de Turquie ont été tenus en mai 2009 sur CNN Türk par le premier ministre turc en personne.

Avec ces quelques mots, M. Erdogan était le premier gouvernant en fonction à oser mettre fin à un tabou vieux de 95 ans.
Opération mains propres.
Depuis, le gouvernement Erdogan s’est lancé dans ce qu’il est convenu d’appeler une courageuse opération de dé-fascisation de la société turque, une véritable opération mains propres visant à débarrasser la vie politique turque de la mainmise de l’armée.

Par la suite M. Erdogan a multiplié les gestes et les déclarations symboliques :

Le 13 mai 2010, il a publié une lettre ouverte appelant à ne plus discriminer les non-musulmans et affirmant « Les non-musulmans sont partie intégrante de l'État turc et a le droit de préserver leur identité et leur culture. »
La presse parle enfin.
A la suite du premier ministre de nombreux éditorialistes turcs ont publié des article iconoclastes inimaginables il y a seulement quelques mois.

Ainsi Ishan Dagi écrivait dans Zaman  :

« Nous devons prendre en compte le pogrom juif en 1934, l’impôt sur la fortune en 1942, et les événements du 6-7 Septembre. En d’autres termes, notre histoire n’est pas si « propre » que ce que l’on « croit ». Il serait erroné de ne plus en débattre et d’essayer de réduire au silence ceux qui le veulent sous prétexte que nous sommes en colère contre Sarkozy. »

Toujours dans Zaman, Orhan Kémal Cengiz a publié un article dans lequel il expose le rôle fondateur pour l’identité turque qu’à joué ce qu’il nomme « le grand crime de 1915 » et revient sur l’assassinat de l’intellectuel Turc d’origine arménienne Hrant Dink :
"Hrant Dink a été tué par le système en place en Turquie. 

Ce meurtre demeurera non résolu tant que nous ne nous confronteront pas avec le système qui permet à tous ces meurtres de se produire. Si nous résolvons le meurtre de Hrant Dink, dont toutes le preuves et tous les liens sont réunis, nous mettront un terme au système établit dans ce pays en 1915."
Le gouvernement Erdogan a été récemment aidé dans cette "opération mains propres" par les gaffes d’un général à la retraite, ancien responsable du Département de la Guerre Spéciale de l’armée turque .

Ainsi le général Yirmibesoglu s’est vanté sur une chaine de TV turque d’avoir monté des provocations interethniques pour justifier l'invasion de Chypre en 1974

“Dans la Guerre Spéciale, certains actes de sabotage sont organisés et mis sur le dos de l’ennemi pour augmenter la réaction du public. Nous avons fait cela à Chypre ; nous avons même incendié une mosquée.”

Allant plus loin, il a même reconnu le rôle de ses services dans l’organisation du pogrom anti-grec de 1955 à Istanbul* qui avait fait 15 morts et provoqué l’exode de la communauté :

“Les évènements du 6-7 septembre [1955] sont le fruit du travail du département de la Guerre Spéciale et c’était là une organisation spectaculaire.”
Le civil contre le militaire
Depuis 1999 la campagne anti-fasciste mené par le gouvernement Erdogan s’accompagne d’un réchauffement diplomatique avec la Grèce et l’Arménie et un éloignement de l’axe atlantiste traditionnellement suivi par l’armée .
Le bras de fer s'est cristalisé avec l'opposition en Erdogan et l’armée turque sur la nommination des chefs d'atat majors, aboutissant à une cascade de démissions parmi les plus hauts gradés.
L'armée n’a plus qu’un chef d’état-major intérimaire, la solitude du premier ministre à la présidence du YAS (Conseil militaire suprême) reflète la victoire incontestable du civil sur le militaire.
La purge de l’état profond a été aussi rendue possible par le scandale Ergenekon et la quirielle de procès contre les tueurs de Hrant Dink mais aussi des prêtre italiens Andréa Santoro et Luigi Padovese, ainsi que des égorgeurs de Tilman Geske, Necati Aydin, Ugur Uksel à Malatya.
Les limites de la purge
Cependant la purge est loin d’être totale. Si la société civile a été outrée par ce déchainement de violence ethnico-religieuse, seuls les exécutants ont été condamnés, les commanditaires de ces meurtres demeurant intouchable en dépit de preuves accablantes.
L’état profond garde cependant ses relais dans la justice et continue de peser sur la diplomatie notamment en provoquant des incidents militaires avec la Grèce , notamment des violations régulières de l’espace aérien grec par la chasse turque.
Ainsi le président turc Abdula Gül reconnais lui même que sa marge de manœuvre reste limitée notamment sur la question Chypriote, chasse gardée de l’armée, dont il reconnaît que la solution « n'est pas totalement dans [ses] mains ».
Le péché originel
Dans ce bras de fer, la fin du négationnisme du génocide Arménien joue également un rôle important car il est le mensonge originel qui justifiait et permettait à l’armée de commettre toute sorte de crimes politiques au nom de la "protection de la patrie".
L'OTAN s'en mêle
Or, depuis la rupture avec Israël, la reprise en mains de l’état turc par la société civile commence à déplaire à l’OTAN pour qui les crimes fascistes des "loups gris" et du Gladio turc étaient très secondaires tant que l’état profond maintenant fermement la Turquie sur une ligne atlantiste pure et dure.

D’ailleurs les Think Tank atlantistes ont réagit à la rupture de l’accord de défense israélo-turc par une offensive en règle contre le premier ministre Recep Tayyip Erdogan accusé d’agir en autocrate et de concentrer pour lui tous les pouvoirs qu’il reprend aux militaires :
Cette attaque n’est pas dénuée de fondements mais il est intéressant de remarquer comment l’islamisme de M. Erdogan était qualifié de modéré tant qu’il menait une diplomatie conforme aux intérêts de l’OTAN et à quelle vitesse ce brevet de modération lui a été retiré depuis la rupture avec Israël.
Nous avons encore une foi à faire au cruel dilemme des sociétés civiles issues du sultanat qu’on a pu constater aussi en Afrique du nord :
Le pouvoir n’échappe aux militaires que pour échoir aux religieux.
Cependant, il faut reconnaître ceci aux religieux, leur comportement vis à vis des minorités chrétienne a été au long bien plus tolérant, même s’il était oppressif, que celui des militaires laïcs qui ont procédé à un nettoyage ethnique et religieux quasi total du pays.
L'empire contre-attaque
Il ne faut pas croire toutefois que l’état profond ait dit son dernier mot.
Les services spéciaux de l’armée et de la police turque ont une longue tradition d’assassinats politiques et ont développé sur les prisonniers de guerre Chypriotes (détenus secrètement depuis1974) des technique d’induction de cancers, aboutissant à des méthodes d’assassinat politiques bien plus discrets que les méthodes traditionnelles des contrecoups politiques lesquels ont considérablement contribués à discréditer l’état profond en Turquie comme à l'étranger.
Or M. Erdogan vient d’être opéré fin 2011 de polypes intestinaux, opération que les médecins présentent comme bénigne tout en restant très évasifs sur le diagnostic.
Pendant sa convalescence, il a recu le vice président des USA Joe Biden qui a déclaré à propos de l'opération de M. Erdogan : "J'ai la nette impression que c'était quelque chose qu'ils ont tué dans l'oeuf".
La santé de M. Erdogan fait peser un aléat inquiétant sur l'avenir du procéssus de purge de l'état turc profond car cette purge n'est resté pour l'instant que superficielle.
Une issue incertaine.
La Turquie est donc à mi-gué et devra affronter des situations critiques dès juillet 2012 avec la présidence Chypriote de l'UE.
Les contacts avec l'UE devront allors passer par Chypre que l'état turc ne reconnait toujours pas.
Le premier ministre turc aura donc besoin de determination et de stabilité politique pour passer outre les provocations que les ultra-nationalistes ne manqueront pas de tenter à cette occasion.
On comprend donc l'intêret politique pour l'AKP de discréditer les Ultra-nationaliste avec cette campagne anti-fasciste mais la sincérité de M. erdogan sur le sujet de la tolérance ethnique reste à démontrer.
Il y a quelques années il n'hésitait pas lui même à traiter le ville d'Izmir de "ville d'infidèles".
Aussi, une fois le cap délicat de 2012 passé, 2015 se profilera à l'horizon, avec le centenaire du génocide armnénien.
Ce sera sans doute le moment de vérité pour le gouvernement Erdogan.
Aldous.
* En 1955, la seule communautés importante de chrétiens qui reste en Turquie après le Génocide Arménien et l'expultion des grecs pontiques et ioniens est celle des 200.000 Grecs d’Istanbul, lesquels sont protégés par les traités internationaux de 1928.

Le Département de la Guerre Spéciale de l’armée turque pose une bombe dans la maison natale d’de Mustafa Kémal Atatürk en Grèce et accuse les Grecs de cet attentat.

Le gouvernement turc dissimule à l’opinion les resultats de l’enquête de la police grecque qui a arreté le poseur de bombe et organise deux jours de pogrom contre les Grecs d’Istanbul, acheminant des militants nationalistes en train et en bus et leur fournissant les armes.
Le quartier est mis à feu et à sang. Il y aura 16 morts (dont un arménien), certains brulés vivants, un pneu enflamé autour du cou, des viols de femmes et d’hommes, des circoncisions forcées de prêtres et divers cas de torture.
A la suite de ces violences et de celles de 1965, de nombreux Grecs fuiront Istanbul pour la Grèce et la communauté ne compte officiellement plus que 2000 personnes. 
En réalité il reste de nombreux crypto-chrétiens à Istanbul, Izmir et Trabzon (les anciennes villes grecques Constantinople, Smyrne et Trébizonde) mais aussi Ephèse.

Cependant ces populations se terrent et se font passer pour musulmanes. Les églises sont fermées et seuls des missionnaires approchent ces crypto-chrétiens.

Plusieurs de ces missionnaires italiens et allemands ont été sauvagement assassinés depuis 2007.
Andréa Santoro tué à Trabzon.
Luigi Padovese décapité à Alexandrette,
Tilman Geske, Necati Aydin, Ugur Uksel et deux convertis turcs torurés et égorgés à Malatya.
Adriano Francini bléssé à Ephèse mais qui s’en est sorti.

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